En manquant à son devoir d’impartialité par ses commentaires dans la presse, le commissaire enquêteur provoque l’annulation de la déclaration d’utilité publique

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L’enquête publique préalable à la déclaration d’utilité publique est la première phase de la procédure d’expropriation.

A l’occasion de l’enquête publique, le projet de l’expropriant est présenté sous la forme d’un dossier détaillé, consultable généralement en mairie (mais aussi, de plus en plus, sous la forme dématérialisée), aux citoyens qui peuvent donner leur avis sur les avantages ou les inconvénients de ce projet. Désigné par le président du Tribunal administratif, le commissaire enquêteur est chargé de s’assurer du bon déroulement de l’enquête publique, de recevoir les observations des particuliers et d’en faire la synthèse, puis d’exprimer un avis et des conclusions motivées sur le projet soumis à enquête publique dans un rapport remis au préfet (articles R 112-1 et suivants du code de l’expropriation).

Le devoir d’impartialité du commissaire enquêteur est donc essentiel pour garantir la régularité de la procédure d’expropriation (cf code de déontologie des membres de la Compagnie nationale des commissaires enquêteurs), comme l’illustre une affaire jugée par la cour administrative d’appel de Marseille.

Ainsi, dans un arrêt du 8 juillet 2019, la cour administrative d’appel de Marseille annule l’arrêté de déclaration d’utilité publique d’un projet de prolongement de route départementale, au motif qu’en exprimant, en cours d’enquête publique, dans la presse locale un parti pris initial favorable au projet, le commissaire enquêteur a manqué à son obligation d’impartialité et privé les citoyens d’une garantie (CAA Marseille, 8 juillet 2019, req n° 17MA01570) : avocat spécialiste

►Ces propos du commissaire enquêteur dans la presse locale s'analysent comme un parti pris initial favorable au projet et ont entaché la procédure d'un vice, qui a privé le public d'une garantie

« S'agissant du moyen tiré de l'absence d'impartialité du commissaire-enquêteur : expropriation avocat

Il appartient au commissaire enquêteur, après avoir, dans son rapport, relaté le déroulement de l'enquête et examiné les observations recueillies, de donner, dans ses conclusions, son avis personnel et motivé sur les avantages et inconvénients de l'opération envisagée. Au regard du devoir d'impartialité qui s'impose à lui, ses conclusions ne sauraient être dictées par un intérêt personnel, ni par un parti pris initial.

Il ressort des pièces du dossier que le commissaire enquêteur désigné pour donner son avis sur le projet litigieux s'est exprimé dans le journal Nice Matin le 21 septembre 2013, lendemain de l'ouverture de l'enquête publique.

S'il a rappelé qu'il était neutre et indépendant, que son rôle consistait à apporter des réponses, accueillir le public et donner un avis au préfet, il a également répondu, à la question de savoir si le projet lui paraissait à l'heure actuelle viable, que " juridiquement, je ne vois pas d'anomalies à l'utilité publique du prolongement. Je ne peux évidemment pas encore dire quel avis je vais rendre mais, à moins, de découvrir une énormité, je pense que le projet ira à terme. L'intérêt public est toujours supérieur à l'intérêt privé en France ".

Compte-tenu de la nature, de la publicité et du stade de la procédure à laquelle ils sont intervenus, ces propos, qui s'analysent comme un parti pris initial favorable au projet puisque le commissaire-enquêteur suggère clairement que son avis sera favorable sauf " énormité ", ont entaché la procédure d'un vice, qui a privé le public d'une garantie, et ce même si les conclusions que le commissaire-enquêteur a rendues sont complètes et motivées. Pour ce motif, l'arrêté préfectoral contesté doit être annulé. »

Cette irrégularité de forme de la procédure d’enquête publique provoque l’annulation de l’arrêté de déclaration d’utilité publique.

D’ailleurs l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Marseille est non seulement illustratif d’un vice de procédure entachant la déclaration d’utilité publique, mais aussi du contrôle poussé exercé par le juge administratif sur l’utilité publique de l’opération par le biais de la théorie du bilan coût-avantage (cf article suivant).